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jeudi, 09 octobre 2014

La Librairie de Jean, duc de Berry, au château de Mehun-sur-Yèvre, en 1416 (7)

 

à Denis Trente-Huittessan, ami des livres, du voyage, des images et des inventaires.

 

 

 

 

Introduction.

 

 

 

« 13. Un livre de très-grosse lettre de fourme, auquel [dans lequel] sont plusieurs oraisons en latin et les sept Seaumes [les Psaumes pénitentiels ou Psaumes de confession, à savoir les Psaumes 6, 32, 38, 50 (51) (Miserere), 102, 130 (De profundis) et 143], compilé par François Pétrarque ; les Heures de la Croix et du Saint-Esprit, et plusieurs autres dévocions et contemplacions à Dieu ; et au commencement du second fueillet a escript : Ac sompnolencia ; couvert de cuir rouge empraint, en un viel fermoer d’argent blanc, et fault [manque] l’autre fermoer ; lequel livre maistre Philippe de Corbie, conseiller et maistre des requestres de l’hostel du Roy et de Monseigneur, donna à mondit seigneur le xviije [18e] jour de novembre l’an 1404._80 liv. »

 

C'est sans doute à Vaucluse, où il se retira une deuxième fois en 1346, que Pétrarque compila ses Psalmi Penitentiales, en même temps que son traité De la Vie solitaire. C'est d'ailleurs durant ses séjours en ces lieux, entre 1338 et 1353, qu'il composa l'essentiel de ses œuvres poétiques, littéraires ou érudites. En marge, je ne résiste pas au plaisir de déposer ici un dessin, de la main du poète, figurant sur un manuscrit de l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien, datant de ces années, et représentant la Fontaine de la Sorgue, à Vaucluse, aujourd'hui Fontaine-de-Vaucluse, destination enchanteresse que je ne connais pas encore...

L'émouvant dessin porte la légende manuscrite « Transalpina solitudo mea i[j]ocundissima », « Ma très agréable solitude transalpine » :

 

frédéric tison,la librairie de jean de berry au château de mehun-sur-yèvre,1416

  

(Source)

 

 

 

« 14. Un petit livre où sont les sept Seaulmes [Le mot est écrit « Seaumes » dans la notice 13., ci-dessus. L'orthographe, au début du XVe siècle, n'est guère rigoureuse, et ne le sera pas avant les sourcilleux grammairiens du XVIIe siècle.] escripts de lettre de fourme, et entre chascun vair desdits sept Seaulmes a un autre ver fait sur la sustance [substance, contenu] des vers d’iceux sept Seaumes [alternance de vers psalmiques et de paraphrases versifiées, sans doute en français (on remarquera encore l'orthographe incertaine, vair et ver étant ici équivalents)] ; bien historié au commencement et enluminé, et au commencement du second fueillet a escript : Manè infirmius ; couvert de cuir rouge empraint, à deux fermoers d’argent doré esmaillés d’une couronne d’épines, et a escript dans ladite couronne : Philippus  [Le livre appartint-il à Philippe VI, roi de France bien oublié ? C'est possible : c'est le grand-père paternel de Jean de Berry. Ou bien est-ce un autre Philippe, j'y songe : le frère cadet du duc, Philippe II de Bourgogne, dit Philippe le Hardi, qui était mort en 1404 ?] ; et y a une chemise de drap de soye noir semé de fueillage vert, doublée de veluy noir ; lequel livre Xristine de Pizan donna à Mons. à estraines [en cadeau] le premier jour de janvier l’an 1409._5 liv. »

 

Christine de Pisan (1364-vers 1430) est-elle l’auteur de cette paraphrase des Psaumes ? Le livre est perdu, et sa notice, ci-dessus, est ambigüe à ce propos : oui, le donna-t-elle au duc seulement, ou en fut-elle également l'auteur ? L’inventaire des livres de Jean de Berry montre, comme on le verra, que l’écrivain lui fit de nombreux cadeaux ; le duc fut l’un de ses mécènes ; il possédait presque toutes les œuvres de la Sage Dame.

Elle apparut dans l'entourage du duc le 20 mars 1403, à l'Hôtel de Nesle. Elle s'y fit connaître d'abord par son Chemin de Longue Étude, décrit par le bibliothécaire du duc Robinet d'Étampes comme l'ouvrage d'une « femme appelée Christine ». Lorsqu'elle offre à son protecteur son Livre de la mutation de fortune, en 1404, elle est devenue « une demoiselle appelée Christine de Pizan ». La reconnaissance « officielle » se fait en 1405, le jour de l'an, quand son Livre des fais et bonnes meurs du sage roi Charles V est donné comme l'œuvre de « Demoiselle Christine de Pizan ».

 

 

(à suivre.)

 

 

 

Quatre statues dans un jardin

 

 

 

 

 

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Au château de La Chapelle-d'Angillon (XIe-XVIIe s.), dans le Berry,
photographie : juin 2014.

 

 

 

mercredi, 08 octobre 2014

À La Chapelle-d'Angillon

 

 

 

 

 

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 Le château de La Chapelle-d'Angillon (XIe-XVIIe s.), dans le Berry,
photographie : juin 2014.

 

 

 

mardi, 07 octobre 2014

Entretien avec Jean de Rancé — Sur un poème mis en musique

 

  

 

 

Jean de Rancé. -. Cher Frédéric Tison, vos lecteurs ont pu découvrir récemment le poème d'Une autre ville mis en musique par Magali Fadainville et interprété par la formation musicale Le Fil du rêveur. Pourriez-vous nous retracer l'histoire de cette rencontre musicale ?

 

Frédéric Tison. -. Bien volontiers, cher Jean de Rancé. J'ai rencontré Magali Fadainville dans le cadre de mon travail, et — tandis que je ne savais pas encore qu'elle était musicienne et l'un des membres du Fil du rêveur, une formation musicale —  elle eut la curiosité de se procurer et découvrir Une autre ville, un cahier de poèmes illustré par le peintre et graveur Renaud Allirand que l'artiste et moi avions conçu en 2013. J'appris ensuite son appartenance au Fil du rêveur, au premier spectacle duquel j'assistai au début de l'année 2014. Ce spectacle, alternance de mélodies traditionnelles "revisitées" et de compositions personnelles, entrecoupées elles-mêmes de courtes lectures, me plut infiniment, et j'y retrouvai d'autre part beaucoup de mes propres recherches, ou tout du moins certains échos me semblèrent évidents avec elles. Le terrain était fraternel, l'esprit tout autant. Aussi, lorsque j'appris que Magali Fadainville, pour le deuxième spectacle du Fil du rêveur, avait composé une mélodie sur l'un des poèmes d'Une autre ville, je fus à la fois très honoré  — quel partage, quelle communion pouvais-je espérer de plus ?  — et surpris sans être surpris, si j'ose dire : j'étais surpris que l'un de mes textes eût été élu, mais je ne l'étais pas que ce fût par la musicienne.

 

 

J. de R. -. Magali Fadainville vous avait-elle proposé une mélodie, et avez-vous découvert avant les autres cette œuvre ?

 

F. T. -. Pas du tout, et c'est parfait ainsi : je ne suis, hélas, pas musicien, écrire avec des notes une mélodie m'est impossible, mais je ne pouvais que faire confiance à la musicienne, j'étais là, comme je le disais, en terrain ami, fraternel, généreux... Rare. Il n'était même pas concevable que le poème fût trahi, si l'esprit de la rencontre lui était antérieur. Aussi bien j'ai découvert l'œuvre achevée.

 

 

J. de R. -. Quelles impressions en retirez-vous ?

 

F. T. -. Ma réponse ne peut être que délicate, si l'on peut toujours la soupçonner d'un évident parti pris favorable ! Mais enfin... La première impression est celle d'une dépossession, qui n'est pas désagréable, bien au contraire, dirai-je : de même que mes textes, une fois publiés, ne m'appartiennent plus tout à fait, un mien poème mis en musique prend le même large, et s'il ne m'encombre désormais plus, je puis l'écouter du même dehors, ou presque, que celui des autres auditeurs... C'est l'expérience belle de l'étrange, dans son sens pur. Ensuite, bien sûr, je me rappelle les mots que j'ai écrits, et je ne peux que constater que la musicienne se les est appropriés à merveille, selon son chant et sa mélodie, et qu'ils lui appartiennent autant qu'ils ne m'appartiennent plus... Tout cela m'apparaît aérien, rêveur, appuyé, selon une lenteur et une tension maîtrisées, comme il le faut (selon moi !). L'insistance, parfois, sur des mots précis, fait que le vers est comme "soulevé" soudain, et qu'est renouvelée la lecture de chacun de ses mots. Mallarmé avait dit à Debussy, en guise de boutade mais non seulement, qu'il avait déjà mis en musique L'Après-midi d'un Faune sans attendre le musicien, aussi ce dernier intitula-t-il son morceau Prélude à... Cela dit sans me comparer sottement à Mallarmé, bien sûr ! Mais à mon sens la mélodie de Magali Fadainville est parvenue à souligner mes mots et à les accompagner, avec la beauté. Une autre musique était possible que celle qui était déjà tissée dans les mots, silencieusement sur la page.

 

 

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Une autre ville, II., « Où fis-tu naufrage si »,
musique de Magali Fadainville, 
 par Le Fil du rêveur, 2014.
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Sérénissime château jaloux

 

 

 

 

 

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Le château de Menetou-Salon (XIVe-XIXe s.) vu à travers la grille, dans le Berry,
propriété de Son Altesse Sérénissime le Prince d'Arenberg, Ve du nom,
photographie : juin 2014.

 

 

 

lundi, 06 octobre 2014

Vignes

 

 

 

 

 

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Les vignobles de Menetou-Salon, « Le Clos de la Dame », dans le Berry,
photographie : juin 2014.

 

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Addendum (à François) :

 

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Les délices et les privilèges de Son Altesse Sérénissime le Prince d'Arenberg, Ve du nom.

 

 

 

 

dimanche, 05 octobre 2014

Si

 

(Après le spectacle, hier soir.)

 

 


podcast

 

 

Une autre ville, II., « Où fis-tu naufrage si »,
poème d'Une autre ville (2013),
musique de Magali Fadainville, 
 par Le Fil du rêveur, 2014.
(Mise en ligne avec l'autorisation de Magali Fadainville.)

 

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Où fis-tu naufrage si

Ce qui se tait là-bas te chante ici

Avec le vent de tes valeurs et de tes fables

 

Si je ne sais plus

Les cordes où tu étais le rêve

De la harpe qui s’est tue

 

Où es-tu – où te relèvent

Les vents, où te rêve

Une autre ville avec les temps ?

 

Si les sirènes que nul n’entendait plus

Parmi les bêtes de métal aux yeux blancs

À toi seul criaient la mort et la blessure –

 

Où es-tu selon le nombre de vents

Si je reviens où tu as disparu

Ainsi que souffrent les vagues

 

 

(F. T., décembre 2012.)

 

Multiplication des anges

 

 

 

 

 

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Atelier de Lucas Giordano (1634-1705), La Multiplication des pains, détail,
à l'Hôtel Cujas (XVIe s.),
actuellement musée du Berry, à Bourges,
photographie : juin 2014.

 

 

 

 

samedi, 04 octobre 2014

La Librairie de Jean, duc de Berry, au château de Mehun-sur-Yèvre, en 1416 (6)

 

 

 

Introduction.

 

 

 

« 12. Un Psaultier escript en latin et françois, et très-richement enluminé, où il a plusieurs histoires [miniatures peintes] au commencement de la main de feu maistre André Beauneveu, couvert de veluyau vermeil, à deux fermoers d’or esmaillés aux armes de Mons._100 liv.»

 

 

André Beauneveu (vers 1335-vers 1400), peintre, sculpteur et enlumineur, fut dans les années 1380, après avoir été à celui de son frère Charles V, au service de Jean de Berry, avec le titre de « Surintendant de toute peinture et de sculpture » pour le Berry. Il participa à l’embellissement du château de Mehun-sur-Yèvre et de la chapelle du palais de Bourges.

 

Ce livre, connu aujourd’hui sous le nom de Psautier de Jean de Berry, est encore conservé à la Bibliothèque nationale de France : on peut le consulter ici.

 

Voici une ystoire*, une miniature de la main de l’artiste, issue de ce livre et représentant le roi David :

 

 

André_Beauneveu_001.jpg

 (Source)

 

 

(à suivre.)

 

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* L'orthographe hésita longtemps entre histoire et ystoire, comme entre hiver et yver. De même, clef et clé coexistent encore. Il me serait douloureux de renoncer aux uns comme aux autres, s'ils sont également beaux. Choisir, ici, serait un peu comme élire Pierre Jean Jouve contre Paul Valéry, que le premier n'aimait pas, ou Rimbaud contre Racine, que la "Lettre du Voyant" du 15 mai 1871 traite de « Divin Sot », mais ne sommes-nous pas au-delà de ces pourtant hautes querelles, si l'esprit de la poésie nous apparaît désormais plus ondoyant que naguère, peut-être, et surtout plus menacé ?

 

 

 

 

Visage

 

 

 

 

 

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Jean Boucher (1575-vers 1633), Saint Sébastien, détail (1627),
à l'Hôtel Cujas (XVIe s.),
actuellement musée du Berry, à Bourges,
photographie : juin 2014.

 

 

 

vendredi, 03 octobre 2014

La Librairie de Jean, duc de Berry, au château de Mehun-sur-Yèvre, en 1416 (5)

 

 

 

Introduction.

 

 

 

« 11. Un livre, ouquel [dans lequel] est contenu tout le Psaultier et plusieurs autres oraisons parmi ledit Psaultier, et au commencement du second fueillet a escript : Saint Offerez [? (un Lecteur pourrait-il m'éclairer ?)] ; et couvert de cuir vermeil empraint, à deux fermoers d’argent doré, esmaillés aux armes de feu messire Jean de Montaigu ; lequel livre fut dudit defunct [défunt], et l’envoya quérir mondit seigneur après sa mort chez Fremin de Revelle, escripvain, demeurant à Paris, le xxvje [26e] jour d’octobre 1409._25 liv. »

 

 

Messire (ah ! si seulement ce mot élégant était encore usité !) Jean de Montaigu (ou Montagu, vers 1349-1409) fut le Souverain Maître d’hôtel du roi Charles VI. Son immense fortune lui valut l’inimitié des ducs de Bourgogne, et le 17 octobre 1409, Jean sans Peur le fit arrêter puis décapiter aux Halles, à Paris.

 

Fremin de Revelle, personnage obscur à bien des égards, fut, semble-t-il, un artisan du livre installé sur le pont Notre-Dame, à Paris. Ce pont, construit en 1406 après l’effondrement d’une passerelle, s’effondrera à son tour en 1499 ; il était en bois sur pilotis et hébergeait trente-quatre loges pour les artisans, parmi lesquels on trouvait les libraires-imprimeurs, dits « escripvains ».

 

(à suivre.) 

 

  

 

Le très mystérieux tableau

 

 

 

 

 

 frédéric tison, photographie, hôtel cujas, bourges, musée du berry,défilé de chars dans la nuit

 

Anonyme (Venise ? Début du XVIIe s.), Défilé de chars dans la nuit,
à l'Hôtel Cujas (XVIe s.),
actuellement musée du Berry, à Bourges,
photographie : juin 2014.

 

 

jeudi, 02 octobre 2014

Le détail et l'incertaine attribution

 

  

 

 

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Jan Vermeulen (1638-1674) ou Simon Renard de Saint-André (1613-1677),
Nature morte aux instruments de musique, détail,
à l'Hôtel Cujas (XVIe s.),
actuellement musée du Berry, à Bourges,
photographie : juin 2014.

 

 

 

mercredi, 01 octobre 2014

La plume

 

 

 

 

Tandis que de retour chez moi, tout à l'heure, j'ouvrais la fenêtre du salon, je constatai qu'une plume d'oiseau, celle d'un pigeon, grise et blanche, au tuyau translucide, gisait sur son rebord. Le vent ne l'avait pas emportée. C'est amusant : j'ai dû, cet après-midi, au café, changer de stylo, l'encre de celui dont j'usais étant épuisée. Les oiseaux ne savent pas lire nos mots, c'est bien connu ; cela ne m'empêche pas de remercier publiquement celui qui m'a laissé, ou fait don d'une partie de ses ailes, croyant sans doute me secourir.

 

 

 

22:44 Écrit par Frédéric Tison dans Minuscules | Tags : frederic tison, minuscule | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook |

Souvenir

 

 

 

Que notre union est belle, mes amis,
Une âme, indivisible et immortelle ;
Libre et solide, insouciante et rebelle,
Formée du chœur des Muses réunies.
Quoi qu'il advienne, où que le siècle gronde,
Nous sommes nous ; quel que soit notre lot,
Nous sommes exilés partout au monde,
Notre patrie est Tsarskoï-Sélo.

 

Pouchkine, 19 octobre 1825.

 

 

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Le Palais Catherine, Екатерининский дворец (XVIIIe s.),
à Tsarskoï-Sélo, en Russie,

photographie : août 2012.